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Sierra Leone. Après un arrêt historique de la CEDEAO, les autorités doivent abroger les lois sur le vagabondage datant de l’époque coloniale
Maintenant que la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO) a jugé, dans un arrêt historique, que les lois de l’époque coloniale sur le vagabondage étaient discriminatoires à l’égard des plus pauvres et des autres groupes marginalisés, les autorités sierra-léonaises doivent abroger ces lois sans délai, a déclaré Amnesty International.
Cet arrêt, rendu le 7 novembre 2024, a conclu que les lois de la Sierra Leone sur le vagabondage – qui érigent en infraction le fait de « vagabonder » en public et de ne pas donner « une bonne image de soi-même » en étant « désœuvré et désordonné » – violaient les obligations du pays aux termes de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et a ordonné au gouvernement de prendre les mesures législatives nécessaires pour remédier à cette violation.
« Nous saluons cet arrêt historique, qui est une avancée pour la protection des droits fondamentaux de certaines des personnes les plus vulnérables de notre société. Cette décision réaffirme que les lois érigeant le vagabondage en infraction sont discriminatoires car elles sanctionnent les personnes qui vivent dans pauvreté et d’autres groupes marginalisés en raison de leur seule situation sociale et économique », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
Amnesty International appelle la Sierra Leone et tous les autres pays à abroger les lois sur le vagabondage, ainsi que toutes les autres lois pénales qui ont des effets disproportionnés sur les groupes marginalisés.
L’arrêt a jugé que les deux lois de la Sierra Leone sur le vagabondage bafouaient le droit de ne pas subir de discrimination et le droit de circuler librement, qui sont protégés par les articles 2, 3(1) et 12(1) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. La Cour de justice de la CEDEAO a également souligné que la Sierra Leone violait l’article 1 de cette Charte, qui impose aux États d’adopter des lois garantissant les droits protégés par la Charte. Le fait que la Sierra Leone n’ait pas abrogé ses lois sur le vagabondage est contraire à cette obligation.
Le 22 mars 2023, Amnesty International avait soumis à la Cour de justice de la CEDEAO une tierce intervention faisant observer que les lois interdisant de « rôder » et les autres lois sur le vagabondage étaient discriminatoires à l’égard des personnes vivant dans la pauvreté, des lesbiennes, gays et personnes bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI) et des travailleuses et travailleurs du sexe, et bafouaient leur droit à la dignité, ainsi que le principe de légalité. Dans son arrêt, la Cour a souligné que, plutôt que de s’attaquer à des actes délictueux, les lois sur le vagabondage, dont celles qui sanctionnent le fait de « rôder », « s’en prennent à la condition même des personnes, qui sont immanquablement des personnes pauvres ou défavorisées ». Par ailleurs, l’arrêt a fait observer que, du fait de « leur caractère vague et peu précis, [les lois sur le vagabondage] se prêtent à une application arbitraire et ne respectent donc pas les normes internationales relatives aux droits humains ». La Cour a aussi rappelé que, plutôt que la criminalisation, des interventions sociales adaptées étaient plus conformes aux obligations relatives aux droits humains des autorités à l’égard des personnes pauvres et vulnérables.
Des lois pénales sanctionnant le vagabondage et d’autres infractions mineures, comme le fait d’être « clochard », « voyou ou vagabond » ou « désœuvré et désordonné », restent en vigueur dans 33 pays du continent africain et dans beaucoup d’autres pays à travers le monde.
Amnesty International appelle la Sierra Leone et tous les autres pays à abroger les lois sur le vagabondage, ainsi que toutes les autres lois pénales qui ont des effets disproportionnés sur les groupes marginalisés, tels que les personnes LGBTI, les travailleuses et travailleurs du sexe et les personnes vivant dans la pauvreté.
Contexte
En Sierra Leone, le vagabondage est une infraction mineure définie dans la Loi de 1965 relative à l’ordre public et dans l’Ordonnance de 1906 sur les infractions punissables par procédure sommaire. L’article 7 de la Loi relative à l’ordre public dispose que « quiconque vagabondant à l’intérieur ou aux abords d’une maison ou d’un bâtiment, ou sur une place, ou en plein air, n’ayant visiblement pas de moyens de subsistance, et ne donnant pas une bonne image de soi-même, doit être considéré comme désœuvré et désordonné et est passible, après condamnation pour ces faits, d’une période d’emprisonnement d’un mois maximum ».
Les lois sur le vagabondage font partie de l’héritage du colonialisme et de l’esclavage car elles ont été introduites en Afrique et dans d’autres régions par les puissances coloniales au prétexte de protéger l’ordre public. Dans plusieurs pays, dont la Sierra Leone, elles sont entrées en vigueur dans le cadre de l’adoption d’un Code pénal type inspiré de la Loi britannique de 1824 relative au vagabondage.
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