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Myanmar. Répression des médias dans un climat de peur

Les autorités du Myanmar intensifient leur campagne de répression des médias en ayant recours aux menaces, au harcèlement et à la détention pour limiter les activités des journalistes et organes de presse indépendants à l’approche d’élections nationales importantes en novembre prochain, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public mardi 17 juin.

Intitulé Caught between state censorship and self-censorship: Prosecution and intimidation of media workers in Myanmar, ce document montre comment, malgré l’« ouverture politique » dont elles se targuent depuis 2011, les autorités du Myanmar emploient diverses méthodes pour intimider les médias et restreindre la liberté d’expression. Cette répression s’est intensifiée au cours de l’année. À l’heure actuelle, au moins 10 professionnels des médias, placés en détention au cours de ces 12 derniers mois, sont incarcérés. Tous sont des prisonniers d’opinion.

« Nous constatons qu’aujourd’hui au Myanmar, la répression est présentée comme une mesure progressiste. Les autorités continuent d’employer les mêmes méthodes – arrestations, surveillance, menaces et détention – pour faire taire les journalistes qui couvrent des sujets “gênants”. La situation de la liberté d’expression dans ce pays s’est aggravée depuis un an », a déclaré Rupert Abbott, directeur des recherches pour la région Asie du Sud-Est et Pacifique à Amnesty International.

Au Myanmar, le paysage médiatique a profondément changé depuis le lancement du processus de réforme en 2011, passant d’une poignée d’organes de presse faisant l’objet d’une censure stricte avant publication à un milieu dynamique comprenant plusieurs chaînes télévisées et journaux indépendants. Pourtant, la campagne généralisée de répression se poursuit tandis que les autorités se reposent sur diverses lois draconiennes et formulées en des termes vagues pour incarcérer les journalistes.

Amnesty International s’est entretenue avec plusieurs professionnels des médias et a constaté que la menace de l’emprisonnement et d’une surveillance constante entraînait un phénomène d’autocensure très étendu. Les journalistes savent quelles sont les « lignes rouges » à ne pas franchir et évitent bien souvent de couvrir certains types d’événements, qui se rapportent la plupart du temps à l’armée, au nationalisme bouddhiste radical et au sort de la minorité rohingya.

« On marche sur des œufs, on se rend compte qu’on a touché un point sensible quand quelqu’un se fait arrêter ou que les médias ont interdiction de faire un reportage objectif sur un sujet en particulier », a déclaré un journaliste qui souhaite garder l’anonymat.

Le cas des journalistes d’Unity illustre bien la situation. Cinq employés d’Unity ont été condamnés à sept ans d’emprisonnement en juillet 2014 après que le journal a publié un article sur une usine qui fabriquerait des armes chimiques. Les journalistes citent fréquemment cette affaire pour expliquer ce qu’il se passe s’ils « franchissent les limites » dans leurs enquêtes sur l’armée.

En octobre 2014, le journaliste indépendant Aung Kyaw Naing a été abattu alors qu’il était détenu par des militaires. Son corps présentait des traces de torture. Une enquête a été ouverte sur cet homicide mais à ce jour, personne n’a été amené à rendre des comptes.

De telles affaires contribuent à engendrer un climat de peur. Ainsi, la majorité des professionnels des médias qui ont accordé un entretien à Amnesty International dans le cadre de son rapport ont indiqué vouloir garder l’anonymat, de peur d’être emprisonnés ou victimes d’autres actes de représailles.

Un nombre incalculable de journalistes font l’objet de harcèlement et de menaces en raison de leur travail, notamment lorsqu’ils enquêtent sur des sujets « sensibles ». Les médias sont attaqués à la fois par le gouvernement, l’armée, les agences de renseignement et les groupes bouddhistes nationalistes radicaux. Plusieurs journalistes ont confié à Amnesty International que des militaires avaient menacés de les envoyer en prison ou de s’en prendre à eux physiquement s’ils couvraient des sujets en rapport avec l’armée, tel que le conflit armé qui sévit dans des zones peuplées par des minorités ethniques.

Afin de pousser des agences de presse à mettre la clé sous la porte, les autorités les entraînent souvent dans des procédures judiciaires longues et coûteuses, ou réagissent à un article critique en engageant des poursuites contre plusieurs journalistes travaillant pour l’agence qui a publié l’article en question.

« Au vu des élections qui approchent au Myanmar, la liberté de la presse est plus importante que jamais pour informer les citoyens sur les choix qui s’offrent à eux et améliorer leur accès à l’information. Le gouvernement doit immédiatement libérer tous les journalistes emprisonnés uniquement pour avoir mené leur travail pacifiquement, s’engager publiquement à respecter la liberté d’expression et abroger toutes les lois utilisées pour réduire au silence ceux qui expriment pacifiquement des opinions dissidentes ou critiques à l’égard des autorités, a déclaré Rupert Abbott.

« La communauté internationale a également un rôle essentiel à jouer pour amener les autorités du Myanmar à mettre fin à la répression à l’encontre des médias. Elle doit activement et publiquement appeler à la libération des journalistes en détention et de tous les autres prisonniers d’opinion, tout en surveillant de près la situation des droits humains dans ce pays pendant les mois précédant les élections. »

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