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Inde. Le racisme environnemental a permis quarante ans d’injustice pour les victimes de la tragédie du gaz toxique de Bhopal

Depuis quatre décennies, le racisme environnemental permet une réaction inadéquate et cruelle envers les victimes de la tragédie du gaz toxique de Bhopal, a déclaré Amnesty International le 1er décembre à l’occasion du 40eanniversaire de l’une des pires catastrophes industrielles au monde.

Il y a quarante ans, une fuite de gaz mortel s’est produite dans une usine de pesticides dans la ville de Bhopal, en Inde, tuant au moins 22 000 personnes. Depuis, Bhopal est une « zone sacrifiée » pour l’entreprise de produits chimiques étasunienne Union Carbide Corporation (UCC), et son repreneur, Dow Chemical (Dow), ainsi que pour les autorités américaines et indiennes ; un demi-million de personnes, sur plusieurs générations, continuent de souffrir des conséquences de cette catastrophe.

« Peu de choses ont changé au cours des 40 dernières années. En raison des dynamiques inégales de pouvoir, les victimes, qui appartiennent principalement à des communautés à faible revenu, marginalisées et minoritaires, n’obtiennent pas justice. Parallèlement, les responsables, en particulier de grandes entreprises basées aux États-Unis, continuent honteusement de se soustraire à leurs responsabilités, pourtant évidentes, en matière de droits humains. Le fait que les autorités indiennes et américaines ne fassent pas le nécessaire pour que tous les responsables de ce crime scandaleux relevant de la négligence des entreprises rendent des comptes est absolument intolérable », a déclaré Mark Dummett, directeur du programme Responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International.

Peu de choses ont changé au cours des 40 dernières années … Le fait que les autorités indiennes et américaines ne fassent pas le nécessaire pour que tous les responsables de ce crime scandaleux relevant de la négligence des entreprises rendent des comptes est absolument intolérable.

Mark Dummett, directeur du programme Responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International

« Les associations de victimes et celles et ceux qui les soutiennent continuent de mener une lutte vraiment exemplaire pour la justice, avec des actions juridiques, des recherches scientifiques et une assistance médicale en l’absence d’un soutien suffisant de la part de l’État et des entreprises concernées. Il s’agit d’une leçon de courage et de résilience et il faut rendre hommage à ces personnes en cette date anniversaire. »



Une « zone sacrifiée »

Des milliers de tonnes de déchets toxiques restent à ce jour ensevelis sur le site de l’usine abandonnée et à ses abords, ce qui provoque une pollution persistante et croissante des eaux. Cela indique clairement qu’il s’agit d’une « zone sacrifiée » : une zone extrêmement polluée ou contaminée où la population locale souffre en conséquence, de façon démontrable, de très graves problèmes santé.

Dow, l’une des plus grandes entreprises de produits chimiques au monde, a racheté en 2001 UCC, l’entreprise basée aux États-Unis qui détenait la majorité de l’usine de Bhopal au moment de la catastrophe de 1984. Dow a pris le contrôle total des actifs d’UCC, et par conséquent, il aurait dû également absorber son passif. Au lieu de cela, Dow a systématiquement pris ses distances par rapport à toute responsabilité envers les victimes.

En 1989, UCC a conclu un accord d’indemnisation totalement injuste et inadéquat avec le gouvernement indien, qui a été accepté sans consulter les victimes de Bhopal. De plus, les lobbys et le travail de pression exercé par le gouvernement des États-Unis ont permis aux personnes et aux entreprises étasuniennes responsables de la catastrophe d’échapper à la justice pénale.

Les associations de victimes et celles et ceux qui les soutiennent continuent de mener une lutte vraiment exemplaire … Il s’agit d’une leçon de courage et de résilience et il faut rendre hommage à ces personnes en cette date anniversaire.

Mark Dummett



Un « racisme environnemental » solidement établi

Cette année, Amnesty International a publié le rapport intitulé Bhopal 40 Years of Injustice, qui réunit des informations mettant en évidence un racisme environnemental est bien établi, avec une discrimination systémique et intergénérationnelle, qui a permis aux acteurs étatiques et aux entreprises d’échapper à leurs responsabilités et conduit à l’absence de programme exhaustif de réparations.   Vous pouvez prendre connaissance des réponses des entreprises dans l’annexe du rapport.

Le rapport explique que le racisme environnemental recouvre de nombreuses violations interdépendantes des droits humains qui incluent les répercussions négatives des dégradations de l’environnement sur les droits à la vie, à la santé, à un niveau de vie suffisant, à l’éducation et sur d’autres droits fondamentaux, les atteintes au droit à un environnement propre, sain et durable, et la violation du droit de ne pas subir de discrimination.

L’indifférence et le mépris avec lesquels les victimes et leurs descendants ont été traités depuis la fuite de gaz, l’absence de reddition de comptes adéquate et effective de la part des acteurs étatiques et des entreprises pour la fuite de gaz et la contamination persistante, et l’absence de programme de réparations couvrant de façon adéquate tous les préjudices passés et actuels ont été rendus possibles par ce racisme environnemental solidement établi. 

En conséquence, Amnesty International a demandé aux actionnaires de mettre fin à leur relation avec Dow et d’envisager de retirer leur investissement de cette entreprise si elle ne prend pas les mesures significatives et rapides qui s’imposent pour remédier aux souffrances en indemnisant de manière adéquate toutes les victimes, et en évaluant la contamination et en nettoyant les zones touchées.

Aucun déni de responsabilité ne pourra jamais effacer l’horreur de la tragédie qui a eu lieu à Bhopal. Cela ne fera que prolonger les souffrances des victimes et empêcher les réparations.

Mark Dummett

Amnesty International appelle également le gouvernement indien à continuer de demander des réparations juridiques à Dow au nom des victimes et de compenser toutes les insuffisances pour les personnes qui continuent de souffrir ou qui se voient à tort refuser des réparations.

 « Quarante ans après la tragédie de Bhopal, les victimes et leurs familles doivent au moins obtenir justice. Or, Dow continue de suivre les même vieilles règles usées instituées par le monde des affaires. Aucun déni de responsabilité ne pourra jamais effacer l’horreur de la tragédie qui a eu lieu à Bhopal. Cela ne fera que prolonger les souffrances des victimes et empêcher les réparations », a déclaré Mark Dummett..



Complément d’information

Le 2 décembre 1984, vers minuit, une fuite d’environ 40 tonnes de gaz isocyanate de méthyle (MIC) mortel provenant de l’usine de pesticides de Bhopal, alors propriété de la société étasunienne Union Carbide Corporation, a tué des milliers de personnes qui vivaient dans des logements informels situés autour de l’usine. On estime que plus de 22 000 personnes sont mortes prématurément en conséquence directe de l’exposition à ce gaz, et d’autres personnes continuent de perdre la vie.

Plus de 500 000 personnes ont été blessées ou ont subi des préjudices permanents, notamment en raison des effets intergénérationnels de l’exposition au MIC sur la santé reproductive, et de la contamination des sources d’eau par les substances chimiques laissées sur le site.

Amnesty International a également publié des rapports à l’occasion des 20e et 30e anniversaires de la catastrophe de Bhopal. 

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