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Fumée d’explosion après une frappe israélienne dans le quartier de Chajaya, Gaza, le 22 juillet 2014 © EPA
Conflits armés et populations

8 questions sur le conflit Israël/Gaza

Que pense Amnesty International de la résolution que le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a adoptée le 23 juillet ? Que va-t-il se passer maintenant ?

Amnesty International accueille avec satisfaction la résolution S-21/1 portant création d'une commission d'enquête, et note que sa formulation permet à cette commission d'enquêter sur les violations du droit international commises par toutes les parties au conflit actuel. Par cette commission d'enquête une occasion importante est donnée de briser la spirale de l'impunité qui persiste pour les crimes de droit international en Israël et dans les territoires palestiniens occupés (TPO).

Pour être efficace, la commission devra être indépendante et impartiale, enquêter de manière approfondie et examiner les violations commises par toutes les parties au conflit. Elle devra être dotée de ressources suffisantes et pouvoir accéder sans restrictions à toutes les zones concernées. Amnesty International prie instamment tous les États, y compris tous les États membres de l'Union Union européenne (UE), qui se sont abstenus lors du vote sur la résolution, de coopérer avec la commission selon ses requêtes.

Quelles sont les principales obligations qui incombent aux parties au conflit durant les hostilités, au titre du droit international humanitaire ?

Durant un conflit armé, toutes les parties, qu'il s'agisse de forces armées gouvernementales ou non, sont tenues de respecter le droit international humanitaire, qui réglemente leur conduite dans le but de protéger les civils. Les États ont eux aussi toujours l'obligation de respecter le droit international relatif aux droits humains lors d'un conflit.

Aux termes du droit international humanitaire, toutes les parties à un conflit armé doivent distinguer entre des cibles militaires et des personnes et structures civiles, et ne diriger leurs attaques que sur les premières. Des attaques visant délibérément des civils ou des biens de caractère civil (logements, centres médicaux, écoles, bâtiments publics) qui ne sont pas utilisés à des fins militaires sont prohibées et constituent des crimes de guerre. Sont également interdites les attaques menées sans discernement et les attaques disproportionnées (celles où le nombre probable de pertes civiles ou l'ampleur des dégâts causés à des biens civils sont plus importants que l'avantage militaire escompté).

Toutes les parties doivent prendre les précautions qui s'imposent lors des attaques pour réduire au minimum les dommages aux civils et aux biens de caractère civil. Cela implique qu'elles doivent prévenir effectivement les civils avant toute attaque, et annuler ou suspendre celle-ci s'il s'avère qu'elle serait disproportionnée ou que la cible est de nature civile. Elles doivent aussi faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les civils se trouvant sous leur contrôle contre les conséquences des attaques. Ainsi, les belligérants doivent éviter de mettre les civils en danger en stockant des munitions dans des secteurs à population civile ou en lançant des attaques à partir de ces secteurs.

Lire aussi : les civils sont encore les premières victimes

Quelles sont les différentes formes de violations des droits humains commises par les forces israéliennes dans la bande de Gaza et identifiées par Amnesty International depuis qu'Israël a lancé l'opération Bordure protectrice, le 8 juillet 2014 ?

Les forces israéliennes ont mené des attaques qui ont tué des centaines de civils. Elles ont utilisé pour cela des armes de précision telles que des missiles tirés par des drones, ainsi que de l'artillerie et autres munitions moins précises sur des zones très densément peuplées comme Chajaya. Elles ont aussi visé directement des milliers de logements. Israël semble considérer que les logements de personnes liées au Hamas constituent des cibles militaires légitimes, un point de vue non conforme au droit international humanitaire.

Plusieurs centres médicaux et bâtiments publics non militaires, à travers toute la bande de Gaza, ont aussi été détruits ou endommagés. L'ONU a rapporté que l'une de ses écoles, qui accueillait des personnes déplacées dans le camp de réfugiés al Maghazi, au centre de la bande de Gaza, a été bombardée au moins deux fois. Une autre école dans laquelle des familles s'étaient réfugiées à Beit Hanoun, dans le nord de Gaza, a été touchée le 24 juillet. Au moins 15 civils ont été tués et beaucoup d'autres blessés, et l'ONU a demandé l'ouverture immédiate d'une enquête.

Alors que les autorités isréaliennes affirment prévenir les civils à Gaza, il apparaît d'après le mode d'action récurrent que ces alertes ne constituent pas un mode d'avertissement efficace aux termes du droit international humanitaire. Les attaques israéliennes ont aussi occasionné des déplacements massifs de civils palestiniens dans la bande de Gaza.

Quelle est la position d'Amnesty International à propos des tirs aveugles de roquettes et d'obus à partir de la bande de Gaza, par des groupes armés palestiniens ? Y a-t-il d'autres actions menées par des groupes armés palestiniens à Gaza depuis le 8 juillet 2014 qui violent le droit international humanitaire ?

D'après l'armée israélienne, l'aile militaire du Hamas et d'autres groupes armés palestiniens ont tiré plus de 1 700 roquettes sur le territoire israélien entre le 8 et le 18 juillet, et de nombreuses autres roquettes sont encore lancées tous les jours. Trois civils ont été tués en Israël. Des habitations et autres biens civils israéliens ont été endommagés. Le droit international humanitaire interdit l'utilisation d'armes qui, de par leur conception, frappent sans discrimination. Les roquettes tirées depuis Gaza sur Israël ne peuvent être dirigées directement sur leur objectif, et leur utilisation viole par conséquent le droit international humanitaire. Les tirs aveugles de roquettes et d'obus mettent également en danger les civils palestiniens qui vivent dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.

Les déclarations faites par certains dirigeants de groupes armés palestiniens laissent entendre qu'ils n'ont aucun scrupule à lancer des attaques contre des civils et que leur but, ce faisant, est en fait de blesser et de tuer des civils israéliens. Les attaques qui sont dirigées directement sur des civils, et les attaques menées sans discrimination qui blessent ou tuent des civils, constituent des crimes de guerre.

Lire aussi : Des attaques contre des hôpitaux et des civils s'ajoutent aux crimes de guerre

Lorsque l'armée israélienne a prévenu les habitants d'une zone spécifique, dans la bande de Gaza, qu'ils devaient l'évacuer, a-t-elle par là rempli ses obligations de protéger les civils aux termes du droit international humanitaire ?

Alerter les civils avant une attaque est l'une des mesures prévues pour réduire au minimum les dommages causés aux civils. Lorsque les forces israéliennes prévenaient les civils, il manquait souvent les éléments clés d'une alerte effective. Par exemple, les alertes n'étaient pas données au bon moment, les civils n'étaient pas informés des lieux où ils pouvaient se mettre en sécurité, les voies qu'ils devaient emprunter pour s'y rendre n'étaient pas sûres et ils ne disposaient pas d'assez de temps.

On a signalé des frappes meurtrières qui ont eu lieu trop vite après une alerte pour que les civils puissent être épargnés. Quoi qu'il en soit, le fait de prévenir les gens ne dispense pas une force attaquante de ses obligations d'épargner les civils, notamment en prenant toutes les précautions nécessaires pour réduire au minimum le nombre de pertes civiles et les dommages aux structures civiles. Le maintien du blocus militaire israélien sur la bande de Gaza, et la fermeture du point de passage de Rafah par les autorités égyptiennes depuis le début des hostilités, signifient que les civils de Gaza ne peuvent pas se réfugier dans les pays voisins.

Les autorités israéliennes soutiennent que le Hamas et des groupes armés palestiniens utilisent les civils palestiniens de Gaza comme « boucliers humains ». Amnesty International a-t-elle des éléments permettant de prouver que cela a été le cas pendant le conflit actuel ?

Amnesty International vérifie ces informations et effectue des recherches, mais au stade actuel elle ne peut pas affirmer que, au cours des hostilités actuelles, le Hamas ou les groupes armés palestiniens auraient utilisé des civils palestiniens pour protéger des lieux spécifiques ou du personnel ou des équipements militaires contre les attaques israéliennes. Lors de conflits précédents, Amnesty International avait recueilli des informations selon lesquelles des groupes armés palestiniens, en violation du droit international humanitaire, stockaient des munitions dans des quartiers résidentiels de la bande de Gaza, d'où ils tiraient aussi des roquettes sans discernement. D'après certaines informations, dans le cas présent le Hamas aurait incité les gens à ne pas tenir compte des alertes israéliennes les enjoignant d'évacuer. Ces appels du Hamas pourraient toutefois être motivés par la volonté d'atténuer la panique et de réduire les déplacements mais, de toute façon, cela n'est pas la même chose que de dire à des civils de rester chez eux afin qu'ils servent de « boucliers humains » pour les combattants, les munitions ou les équipements militaires. D'après le droit international humanitaire, même s'il est question de l'utilisation de « boucliers humains », il n'en demeure pas moins qu'Israël a l'obligation de protéger ces civils.

Selon certaines informations, les forces israéliennes ont utilisé des fléchettes au cours de cette opération militaire dans la bande de Gaza. Quelle est la position d’Amnesty International sur le recours aux fléchettes ? L'armée israélienne y a-t-elle déjà eu recours à Gaza par le passé ?

Les fléchettes sont des projectiles en acier de 3,5 cm de long, dotés d’une pointe acérée à l’avant et de quatre ailettes à l’arrière. Les obus à fléchettes, généralement lancés à partir de chars, en contiennent entre 5 000 et 8 000. Les obus explosent en l'air et les fléchettes sont projetées en cône sur une surface d'environ 300 mètres sur 100. Destinées à être utilisées lors d'attaques suivies d'infanterie ou contre des forces agissant en terrain ouvert, les fléchettes sont bien évidemment très dangereuses pour les civils lorsqu'elles sont tirées sur des zones résidentielles densément peuplées.

Des groupes locaux de défense des droits humains ont signalé des cas où des civils de Gaza ont été blessés ou tués par des obus à fléchettes. Amnesty International n'a pas encore pu se pencher sur des cas de recours à des fléchettes lors des hostilités actuelles. Par le passé, toutefois, elle a recueilli des informations montrant qu'Israël avait utilisé ces armes, notamment durant l'opération Plomb durci. Des civils, dont des enfants, avaient été tués.

Le droit international humanitaire n'interdit pas spécifiquement les fléchettes, mais celles-ci ne doivent jamais être utilisées dans des zones densément peuplées.

Au stade actuel, que demande Amnesty International à la communauté internationale ?

Tous les États, et en particulier les principaux fournisseurs d'armes dont les États-Unis et Israël, doivent suspendre tous les transferts d'armes, de munitions et de tout équipement et technologie militaires à toutes les parties, tant qu'il y a un risque substantiel qu'ils soient utilisés pour commettre de graves violations du droit international humanitaire ou des droits humains. La suspension doit couvrir également toutes les exportations indirectes passant par des pays tiers, les transferts de composantes et technologies militaires ainsi que tout courtage et toute activité logistique susceptibles de faciliter ces transferts.

Lire aussi : Israël/Gaza : la France ne doit pas livrer de matériel de guerre

Les États devraient utiliser le rapport établi en 2009 par la mission d'établissement des faits de l'ONU sur le conflit de Gaza, ainsi que le prochain rapport de la commission d'enquête qui vient d'être mandatée par le Conseil des droits de l'homme, comme point de départ pour l'exercice de la compétence universelle, pour enquêter sur les crimes de droit international commis, et pour en poursuivre les auteurs devant leurs juridictions nationales.